PEUR SUR LE RUGBY – Enquête sur les dérives d’un sport extrême – Philippe Kallenbrunn – Edition MARABOUT – 207 pages
Quatrième de couverture
Avec cinq commotions cérébrales en l’espace de 80 minutes, la dernière finale du Top 14 de rugby a atteint des sommets d’intensité diront les uns, de violence préféreront les autres. Une situation d’urgence qui oblige à se poser les bonnes questions avant que l’irréparable ne se produise.
Au fil d’une enquête de plusieurs mois, l’auteur aborde les multiples périls sanitaires qui menacent le jeu et les joueurs : compléments alimentaires, produits frelatés ou dopants, drogues, chocs à répétition, accidents et maladies graves. Jusqu’où est-on prêt à aller pour quelques mètres gagnés ou quelques points de plus ?
Ecrit en forme de signal d’alarme, Peur sur le rugby donne la parole à ceux qui sont confrontés au quotidien à des situations difficiles et parfois à des cas tragiques : anciens et actuels joueurs professionnels ou amateurs, dirigeants, médecins, avocats, famille de victimes… Leurs témoignages sont accablants.
Pour que le rugby continue à être ce sport fabuleux et non cette machine à broyer qu’il est en train de devenir, il va falloir redéfinir les règles au plus vite…
Journaliste indépendant, spécialiste du rugby, Philippe Kallenbrunn écrit notamment pour Le Journal du dimanche et Le Figaro. Auparavant, il a été rédacteur en chef adjoint de Midi Olympique.
Chronique
Cet ouvrage est construit en 17 chapitres. Certains d’entre eux sont courts et mériteraient un développement plus conséquent (un livre entier ?) mais cette construction permet de parcourir les nombreuses dérives du rugby moderne : dopage, commotions , arnaques à l’assurance maladie etc.
Les passages sur le dopage rappellent sur certains points l’ouvrage de Laurent Bénézech (chronique ici). Certains noms reviennent dans chacun des deux livres : Françoise Lasne, Alain Camborde ou Christian Bagatte…
Concernant Philippe Kallenbrunn, le fait qu’il soit journaliste indépendant est primordial car cela empêche ou du moins limite les conflits d’intérêts et garantit plus de liberté d’expression de sa part. Cette démarche journalistique semble être motivée par une volonté d’éclaircir des zones d’ombres et lever l’omerta qui peut régner dans le monde du rugby.
Dans cette chronique composée de deux parties, je vous propose d’aborder l’idée forte des chapitres composants ce livre coup de poing.
1 / La déferlante des compléments alimentaires
L’arrivée des compléments alimentaires (protéines en poudre etc.) se fait progressivement suite à la professionnalisation du rugby et l’augmentation du nombre d’entraînements. En effet, au début de l’ère professionnelle, les joueurs s’entraînaient 2 à 3 fois par semaine contrairement à aujourd’hui où la cadence est de deux par jour.
Les besoins en récupération sont donc importants et les compléments alimentaires ont pris une place de plus en grande.
« Si bien qu’en moins de quinze ans, ces produits deviennent les fidèles compagnons de route des joueurs »
Il n’y a qu’à naviguer sur Instagram pour voir que de nombreux joueurs pros sont sponsorisés par des marques de ce style : Maxime Machenaud ; Liam Messam ou encore Sean Maitland. Cette correspondance entre joueur de rugby professionnel et complément alimentaire est si forte qu’aujourd’hui quelques rugbymen lancent leur business dans cette branche. Dans Peur sur le rugby nous trouvons les noms de Gerhard Vosloo et celui de Sébastien Bruno.
Un second facteur rentre en compte quant à l’arrivée de « poudres magiques », celui du recrutement grandissant de joueurs de l’hémisphère sud dans notre championnat hexagonal. Ces joueurs sont arrivés avec ces poudres dans leurs valises physiques et culturelles.
Certains joueurs français ont fait de la résistance et n’ont jamais pris ces compléments. Les noms de Fabien Pelous, Yannick Jauzion ou encore William Servat sont présents dans le livre. Pour Fabien Pelous, ancien capitaine glorieux de notre XV de France, la nutrition occupe une place très importante. Avec une alimentation riche et équilibrée, nul besoin de se complémenter selon lui. En effet, une nutrition bien maîtrisée permet de ne pas avoir recourt à ces produits, la plupart du temps.
Le risque se situe plus chez les jeunes joueurs qui ont la culture junk-food et le fameux steak_haché-pâtes comme unique talent culinaire. De plus, ces jeunes souhaitant atteindre eux aussi le haut niveau achètent, de plus en plus tôt, ces différentes poudres. Soit par identification aux joueurs pros soit par simple mimétisme.
Les poudres de prot’, les fameuses Whey ne sont que des dérivés du « petit lait », appelée aussi lactosérum. Donc à priori, pas de soucis… Néanmoins, les produits tels que les boosters présents sur internet ne sont pas toujours très clean et représentent bel et bien un danger pour la santé. Sans aide ni assistance face à des achats en ligne, le joueur n’est pas à l’abri d’acheter un produit frauduleux. Conscient de ce phénomène, Fabien Pelous a demandé au staff de l’équipe de France des moins de 20 ans de les acheter directement pour les fournir ensuite aux joueurs. Sachant que ces jeunes talents vont en consommer, autant s’assurer qu’ils le fassent avec des produits « de qualité » et surtout exempt de tout soupçon concernant des ingrédients potentiellement dopants.
2 / Le danger des produits frelatés
Voici la définition Larousse du mot frelaté : Être altéré, gâté par le mélange d’autres produits.
Selon Philippe Kallenbrunn, le monde du rugby s’est rendu compte sur le tard du danger des compléments alimentaires « venus d’on ne sait trop où ».
En mars 2013, on apprend ainsi le décès de Jordan Cotellon, emporté dans sa vingt et unième année par un cancer du foie. (…) Elle fait partie des « cancers suspects » dévoilés en mars 2012 par Jean-Luc Gadaud, le procureur de la République de Bergerac.
Le produit incriminé ? La créatine… Les études dites scientifiques ne sont pas unanimes à ce sujet.
Il existe de nombreux compléments alimentaires à base de créatine. Ce produit a eu à un moment donné mauvaise réputation. Il divise encore les pratiquants de musculation et les joueurs de rugby. Pour ou contre ? Utile ou inutile ? Produit dopant ou clean ? Certains vous diront que c’est sans danger si vous la prenez « pure ». D’autres expliqueront que c’est inutile car le corps en produit naturellement et qu’une prise exogène entraîne une surcharge dangeureuse au niveau des reins.
Comment faire le tri au milieu de toutes ces informations parfois contradictoires ? Faire un tour sur le terrain…
L’auteur de Peur sur le rugby prend l’exemple de Jonah Lomu, première grande star de l’Ovalie, récemment décédé à l’âge de 40 ans. 20 ans plus tôt, on lui diagnostique un grave syndrome rénal.
Le déclic vient d’un ancien coéquipier de Jonah Lomu, Joeli Vidiri, lui aussi ailier chez les Auckland Blues à la fin des années 1990 et lui aussi touché par le même syndrome rénal extrêmement rare ! Vidiri déclare en juin 2016 au journal anglais The Daily Telegraph que :
« La maladie de Lomu a été provoquée par la prise de créatine, que le staff des Blues a intégré à la préparation des joueurs à partir de 1997 ».
Comment se fait-il que deux joueurs professionnels de la même équipe contracte la même maladie qui pourtant ne touche que 3 personnes sur 100 000 ?
« Et comme Lomu avant lui, Vidiri a subi une transplantation, au mois de mai 2016 »
Dans la suite du chapitre, nous trouvons plusieurs points très intéressant. Le premier, est l’intervention du Dr Frédéric Maton, président de la Société française de nutrition du sport (SFNS). Il explique qu’une prise de créatine exogène correspond à 20 à 30 grammes par jour alors que l’intestin ne peut en absorber que 1 seul. De plus, cette surcharge, correspondont à une consommation de 4 kilos de viande par jour (impossible même pour un gros mangeur), ce qui surcharge les reins dans leur mission de filtration. A terme, cela « conduit aux complications rénales ». Simple, basique.
Le deuxième point qui retient mon attention est l’intervention de Felipe Contepomi. Devant la commission d’enquête des sénateurs sur l’efficacité de la lutte antidopage, il déclare que 95% des rugbymen consomment des compléments alimentaires et que « le risque de pollution par des stéroïdes est réel« . Basique, simple.
Le troisième et dernier va dans le sens du second..
« En mars 2015, Nicole Sapstead, la directrice de l’Agence antidopage britannique (UKAD), révèle en effet une inquiétante augmentation de l’utilisation des stéroïdes par les jeunes sportifs, parfois même dès l’âge de 14 ans. »
Ce constat glace le sang. Une consommation de produits dangereux par des joueurs de plus en plus jeunes transforment la question du dopage en problème de santé publique. Ces joueurs sont-ils conscients d’avoir recourt à des produits illicites ou sont-ils trompés au moment de leurs achats ?
3 / Des dopés par inadvertance ?
Il y a des joueurs qui se dopent volontairement. Et il y a ceux qui le font par « inadvertance ».
Au début de l’année 2017, « Brice Dulin et Yannick Nyanga présentent des résultats anormaux lors de contrôles antidopage. Des traces d’higénamine sont retrouvées dans leurs urines. »
Les prélèvements ont été fait durant l’année 2016 et par la suite les deux joueurs ont été blanchit. Pourquoi ? Parce-que l’higénamine figure sur la liste de l’AMA seulement depuis le premier jour de l’année 2017.
Les joueurs se sont donc défendus en avançant qu’au moment de la prise, le produit n’était pas interdit, et c’est vrai.
Cependant, Mamadou Sakho a été contrôlé positif à l’higénamine en avril 2016 et par conséquent privé de l’Euro se disputant la même année, en 2016 !
Qui sont alors les responsables ? Le Dr Véronique Lebar, ancienne responsable du service médical de l’AFLD et désormais présidente du comité Éthique et Sport nous apporte un éclairage pertinent.
« Quand on est un organisme de référence, sur son site, on doit mentionner tous les produits interdits et pas seulement les substances dopantes. Le fait que des compléments alimentaires ne figurent pas sur la liste des produits interdits dans le moteur de recherche de l’AFLD, ce n’est pas normal.
(…)
L’agence n’indique que les substances médicamenteuses et en plus – et c’est très grave -, elle ne réactualise cette liste de médicaments qu’une seule fois par an. Alors qu’il en sort toutes les semaines… »
Après avoir terminé le chapitre 2 sur l’âge complètement hallucinant de début de consommation de stéroïdes par de jeunes joueurs (14 ans), l’auteur de Peur sur le rugby nous fait part d’une autre étude tout aussi inquiétante.
En mars 2015, le Néo-Zélandais David Howman, directeur général de l’AMA, est interrogé par Le Monde à propos du dopage dans le rugby.
(…)
« Les compétitions de jeunes et amateurs nous inquiètent d’avantage. Il y a peu de tests. Nous avons fait une étude avec l’Afrique du Sud l’an dernier : sur 51 joueurs contrôlés dans des équipes de lycée, 12 étaient positifs.«
Ces joueurs ne sont pas forcément des Lance Amstrong en devenir. David Howman explique que dès lors qu’un sport commence à être envahit par des compléments alimentaires, il faut être très vigilant.
« C’est une industrie qui n’est pas régulée, qui écrit ce qu’elle veut sur les étiquettes et s’adresse au grand public ».
Comment alors peut-on se protéger des compléments alimentaires frauduleux ? Un premier élément de réponse se trouve dans les normes.
4 / Nom de code : NF V94-001
A la veille des Jeux Olympiques de Londres en 2012, l’AFNOR créée la norme NF V94-001. Cette norme est censée garantir la non-présence de produits dopant dans les compléments alimentaires.
Très rapidement, on apprend dans Peur sur le rugby que cette norme est complètement obsolète. Pourquoi ? Car elle est autodéclarative. Vous pouvez donc fabriquer un produit, vous auto-déclarez clean via l’auto-attribution.
Nul besoin d’avoir fait polytechnique pour comprendre que ce vice de labellisation rend cette norme caduque. Pourtant, elle est toujours présente sur le marché et représente un piège si jamais un joueur pense être protégé au moment de l’achat.
Quelques ligne plus loin, Philippe Kallenbrunn nous amène à la rencontre de Dorian Martinez, psychologue du sport et aujourd’hui spécialiste dans la labellisation des compléments alimentaires. Il a notamment crée « Sport Protect ». Ce site fait office de référence. Référence dans la recherche de « produit propre ». Grâce à cette plateforme et seulement en quelques clics, vous pouvez savoir si le produit (médicament ou complément alimentaire) qui vous intéresse ne contient pas de substance dopante ! Une application est aussi disponible !!! Leur moteur de recherche est plus performant que celui de l’AFLD. Si bien que cette organisme de référence pour la lutte antidopage en France, est un des premiers utilisateurs de la ressource Sport Protect.
Pour les curieux, vous pouvez retrouver un article très intéressant sur leur site intitulé « Et si le RUGBY protégeait 100% de ses joueurs ? »
Il y a quelques années, le club de Montpellier avait travaillé avec ce fameux label « Sport Protect ». Aujourd’hui, selon la fin de l’article que je viens de citer et la fin du chapitre 4 de Peur sur le rugby, Dorian Martinez a sollicité la nouvelle équipe de la FFR (Laporte, Simon etc.) et le syndicat des joueurs professionnels Provale par l’intermédiaire de leur président Robins Tchale-Watchou. Il serait opportun pour l’ensemble du rugby français de redorer un peu son blason au moment où la Coupe du Monde 2023 vient d’être achetée attribuée.
Ce label n’est pas la solution miracle tant on a déjà vu les retards de la lutte antidopage dans une autre chronique. Cependant, il a l’intention et le mérite de vouloir éradiquer « le dopage par inadvertance » !
5 / Un sport qui fracasse
Tout le monde l’a vu et le voit encore aujourd’hui, le physique des joueurs de rugby professionnels a grandement évolué pendant ces deux dernières décennies. Pour jouer devant, 110 kilos paraît être le minimum. Pour jouer derrière, le quintal est conseillé.. Paralèllement, il existe toujours des petits gabarits comme Aaron Cruden, Yann Lesgourges, Damien McKenzie, Benoît Paillaugues.. Néanmoins la progression des physiques est indiscutable. Et n’oublions pas que le dernier joueur de cette liste « a fini par exploser en plein vol » pour reprendre les termes de Philippe Kallenbrunn. En octobre 2016, il quitte le terrain sur civière. Sa cheville droite et son épaule gauche sont en morceaux, il subit deux opérations et connaît une période de 45 jours en fauteuil roulant.
A de nombreuses reprises dans Peur sur le rugby, Jonathan Best, ancien troisième ligne de Grenoble témoigne sur quelques thématiques du livre. Ici, il donne son impression concernant la dangerosité du rugby en lien avec l’évolution des gabarits.
« Le rugby est dangereux pour l’intégrité physique, mais dans une certaine mesure. Nous n’avons pas encore vu de mort sur un terrain ».
Malheureusement, il me semble que si. Aude-là du risque « vital » pour le joueur, les blessures et les douleurs font partie intégrante du quotidien des rugbymen professionnels…
6 / L’accoutumance aux bobos
Le rugby actuel produit beaucoup de blessures. Les ligaments pètent, les cerveaux cognent contre la boîte crânienne et les infirmeries se remplissent de plus en plus. Pour cela, il suffit de songer au nombre hallucinant de forfaits que vient d’enregistrer le XV de France pour la tournée automnale 2017 !
Le rapport du rugbyman à son propre corps est assez particulier. En général, « il le connaît », il est surtout à son écoute car c’est son outil de travail. Mais sur quelle modalité le rugbyman vit son corps ? Vous avez 4 heures…
Il semblerait que la modalité du vécu corporel du rugbyman professionnel passe essentiellement par la douleur. Douleur de l’entraînement synonyme de dépassement. Courbatures synonymes d’une grosse dépense. Douleurs issues des chocs synonymes de l’engagement physique. Blessures synonymes de surplus pour le corps etc etc.
Si vous êtes rugbyman, vous observez normalement chaque dimanche des coéquipiers jouer malgré des pépins physiques plus ou moins importants. Si ce n’est pas le cas, vous êtes un extra-terrestre. Et si vous n’avez jamais joué alors une légère blessure alors vous êtes un miraculé !
Au niveau professionnel, le livre nous offre plusieurs exemples de joueurs actifs mais blessés. L’un d’eux concerne Jonathan Danty, trois-quart centre du Stade Français ayant attendu un an avant de se faire opérer de l’épaule !
« A l’entraînement, le trois-quart centre du Stade Français portait une chasuble blanche pour rappeler à ses coéquipiers qu’il ne fallait pas le plaquer… »
Les raisons de cette attente sont diverses et successives. Dans un premier lieu, son club se trouvait en sous-effectif. Ensuite, il a été sélectionné en équipe de France et n’a pas pu « refuser » la sélection…
« Mais le staff de l’équipe de France m’a dit que, à partir du moment où je jouais en club, il considérait que j’étais apte pour jouer avec les Bleus. Si je me faisais opérer avant la tournée, cela aurait été pris comme un refus. J’étais un peu pris entre deux feux.«
Jonathan Danty poursuit et nous donne un début de piste concernant la place de la douleur dans le quotidien des pros :
Au début, j’avais mal, puis, au fur et à mesure, je me suis habitué à cette douleur. Elle était devenue normale, alors que ce n’est pas le cas. »
Les autres exemples concernent Alexandre Flanquart, Fabien Barcella et Aurélie Rougerie qui chacun avec leur histoire et leurs spécificités, nous témoignent de leurs pépins physiques et de la répercussion de ces derniers au quotidien…
La fin de cette partie est une interview de Jean-Philippe Hager, médecin du sport, spécialiste en traumatologie sportive et en vertébrothérapie. Selon lui l’idée de jouer alors que l’on est blessé est une mœurs qui a évolué dans le milieu du rugby professionnel.
Le rugbyman sait très bien que s’il joue blessé et qu’il aggrave sa lésion, il met en péril sa fin de saison, voire sa carrière. Et je trouve que la mentalité des joueurs a vraiment progressé par rapport à ça. Aujourd’hui, je pense qu’en Top 14, il n’y en a pas énormément qui jouent avec des pathologie. »
La première phrase de ce docteur évoque des éléments très rationnels dans le choix de jouer blessé ou non. Or il y a beaucoup d’autres facteurs qui rentrenr en ligne de compte : pression sportive, salariale, financière etc. L’écoute du corps et le bien-être du joueur ne sont que des pâles arguments face au poids qui pèse parfois sur les épaules des rugbymen ! Le contre-exemple se situe plus haut avec le cas de Jonathan Danty et Alexandre.F. Nous pouvons aussi trouver des exemples dans les autobiographies de Jonny Wilkinson et Dan Carter.
Si Dan Carter se blesse à une cheville (ou un genou) en demi-finale, quelle sera la réaction du staff ? Faire en sorte qu’il n’est plus mal pour jouer la finale ! Antidouleurs, infiltration, glace, corticoïdes etc. Le jour J, il n’aura peut-être que peu de douleur, mais il jouera belle et bien blessé, comme il l’a déjà fait dans sa carrière…
7 / Des corticos à gogo
Au mois d’octobre 2016, trois joueurs du Racing 92 sont contrôlés positifs aux corticoïdes. Dan Carter, Joe Rokocoko et Juan Imhoff sont concernés ! Les motifs sont respectivement : infiltration du genou après la demi-finale, douleur à la cheville après le match de barrage et enfin des gouttes dans le nez pour une sinusite carabinée un mois avant le titre de champion de France.
Finalement les trois joueurs sont blanchis par la FFR puis par l’AFLD. Cependant « un proche du dossier » transmet des informations intéressantes concernant le déroulé du contrôle. Celui-ci s’est déroulé dans les vestiaires de Barcelone au milieu des autres joueurs fêtant le titre. La procédure oblige normalement un endroit calme ! Dans cette agitation, « n’importe qui aurait pu uriner dans ces flacons. »
« Or, quand ces conditions ne sont pas respectées, que se passe-t-il ? Le contrôle est frappé d’un vice de forme. Selon notre interlocuteur, une trentaine de joueurs pros auraient déjà échappé à d’éventuelles sanctions en utilisant cette défense. »
Mais ce vice n’a même pas eu besoin d’être évoqué ici pour les trois joueurs du Racing 92 !
Les corticoïdes sont des antidouleurs puissants. Laurent Bénézech en parle d’ailleurs longuement dans son livre Rugby, où sont tes valeurs ? Selon Imanol Harinordoquy, les corticos sont « le dernier recours anti-inflammatoire. » Leur but est donc curatif, pour qu’un joueur se soigne et observe une période de repos. Mais la réalité des faits, est que, toujours selon Imanol, « une fois sur deux c’est utilisé pour permettre aux joueurs d’aller sur le terrain et de masquer la douleur. »
Quelques lignes plus loin, Fabien Pelous se montre plus modéré à propos des corticoïdes. Selon lui, si ce traitement permet d’atténuer une douleur osseuse (il prend l’exemple d’un coup sur la hanche), cela ne met pas l’intégrité du joueur en danger s’il retourne sur le terrain….
La partie la plus croustillante de ce chapitre se situe à peine une page plus loin. Dr Véronique Lebar, nous décrit les dérives et l’importance des corticoïdes dans le monde du rugby professionnel. Selon elle, il est aisé pour un joueur professionnel de « surconsommer » des corticoïdes au-delà de ce qui est autorisé. Pour cela, il suffit que le joueur subisse une infiltration (voie locale) ET en consomme par comprimés (voie générale). S’il est contrôlé positif, il pourra se défendre en avançant l’argument de l’infiltration car il n’existe pas de dosage limite. Sans cadre au niveau des doses et de la posologie, le joueur peut facilement effectuer un tour de passe-passe.
La prise de corticoïdes en comprimé nécessite tout de même une Autorisation à Usage Thérapeutique (AUT). L’AUT permet à un joueur, sous prescription médicale, de prendre des médicaments potentiellement dopant sans risquer un contrôle positif. Dr Lebar tempère son discours sur la possibilité de dérive à propos des corticoïdes quelques lignes plus loin :
« en pratique, honnêtement, les AUT pour corticoïdes sont souvent refusées ».
Logiquement, médicalement, ce n’est pas possible qu’il se retrouve alors avec un tel taux de corticoïdes dans le corps en n’ayant subi qu’une infiltration. Mais c’est tout. Il faudrait avoir des études précises sur les seuils de corticoïdes.
Avec cet exemple des corticoïdes, il semble que des zones d’ombre de certains paramètres permettent à certains joueurs d’avoir accès à des produits facilitateurs très facilement…
Parallèlement, d’autres solutions légales commencent à voir le jour et à se démocratiser. Philippe Kallenbrunn nous fait part des ondes de choc et des injections de Plasma Riche en Plaquettes (PRP)…
Le PRP consiste à séparer les plaquettes des globules blancs et rouges suite à une prise de sang via un processus de centrifugation. Ensuite, seulement les plaquettes sont réinjectés au joueur. Cette technique commence à faire ses preuves au niveau des tendons et à minima sur le muscle.
Quand on met bout à bout les éléments de cette partie avec le chapitre 6 du livre de Laurent Bénézech évoquant des cas d’addiction aux corticoïdes, certains signaux semblent s’allumer vivement !! Faiblesse des contrôles, porosité du système, AFLD marquant un temps de retard, vices de procédures multiples, les raisons de s’inquiéter quand à l’efficacité de la lutte antidopage sont multiples.
La première partie de cette chronique touche à sa fin. La suite de celle-ci vous permettra de découvrir l’envers du décor du rugby professionnel : arnaques à l’assurance maladie, les répercussions extrêmement néfastes de ce sport sur l’intégrité physique et psychique des joueurs, l’émergence inquiétante de la cocaïne etc.
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